Voici revenu le temps des fruits et avec lui, celui des confitures.
La confiture est l’une des meilleures façons de conserver les fruits les plus fragiles après leur récolte, voire de consommer certains fruits trop astringents pour être consommés en l’état (coings, orange amère etc. ;).
Longtemps considérées comme un produit de luxe, les confitures (originellement l’électuaire : mélange de pulpe de fruits et de miel) se banalisent au début du XIXe siècle grâce à la découverte du sucre de betterave.
Aujourd'hui, elles sont considérées comme un aliment de plaisir, sans grand intérêt nutritionnel car elles contiennent beaucoup de glucides et un peu de fibres. La plupart des vitamines sont, d’ailleurs, éliminées durant la cuisson.
Mais n’est pas confiture qui veut !
La confection des confitures nécessite le respect de règles précises, une bonne hygiène, un temps de cuisson qui ne doit être ni trop long ni trop faible et sur l'équilibre entre le sucre, les fruits, la pectine et l'acidité.
Quelques définitions préalables :
La loi précise les différentes appellations à respecter pour définir les appellations :
La « confiture » est le mélange, porté à la consistance gélifiée appropriée de sucres, de pulpe et/ou de purée d’une ou de plusieurs espèces de fruits et d’eau. La confiture d’agrumes peut toutefois être obtenue à partir du fruit entier, coupé en lamelles et/ou en tranches.
La teneur en matière sèche soluble des confitures, confitures extra, gelées, gelées extra, marmelades, marmelades-gelées, déterminée par réfractométrie, doit être égale ou supérieure à 55 %. Elle est fixée à 75 % minimum pour les crèmes de fruits à coque, autres que la crème de marrons, et à 60 % minimum pour la crème de marrons, la crème de pruneaux, le confit de pétales, les confits de fruits confits et le raisiné de fruits. Ces teneurs en matière sèche soluble ne sont pas applicables aux produits pour lesquels les sucres ont été remplacés partiellement ou totalement par des édulcorants
L’appellation « marmelade » est réservée aux seules confitures d’agrumes.
Quelques conseils pour les réussir :
LE MATERIEL
Il est nécessaire d'utiliser du matériel rigoureusement propre (et en particulier les pots et leurs couvercles) pour éviter le développement de micro-organismes qui nuiraient à une bonne conservation de la confiture
La bassine à confiture
C’est, idéalement, un récipient à large ouverture pour faciliter l’évaporation de l’eau à la cuisson.
La bassine à confiture traditionnellement utilisée est en cuivre.
Le cuivre conduit bien la chaleur, assure sa parfaite répartition et favorise la prise de la confiture en provocant la liaison des molécules de pectine entre elles, assurant ainsi une meilleure prise.
Cependant, il présente une certaine toxicité et modifie la couleur de certains fruits rouges dont les molécules, les anthocyanes, se transforment au contact des ions métalliques.
Pour cette raison, je préfère utiliser une bassine en cuivre étamé, bien supérieure aux récipients en inox, même épais.
Le réfractomètre :
le réfractomètre est un instrument de mesure qui sert à évaluer la teneur en matières sèches des fruits, des jus, des sirops, du vin, du miel, des gelées, des boissons… La valeur utilisée est le degré BRIX .
Il permet de connaître (voire de rectifier) instantanément la concentration d'une confiture.
Son emploi est indispensable pour obtenir des produits à concentration identique quelles que soient les conditions de réalisation de la confiture.http://www.dauphingourmet.com/article-ma-confiture-de-mirabelles-a-la-royale-120237301.html
LES INGREDIENTS :
LES FRUITS
Tous les fruits peuvent être utilisés. Le choix des fruits variera au fil des saisons depuis les premiers fruits, généralement les cerises, jusqu’aux derniers, les agrumes.
Le meilleur résultat s’obtient avec des fruits mûrs, sains et fraîchement récoltés,
Les fruits trop mûrs ou abîmés, mais aussi les fruits encore verts sont à éviter.
Les fruits ont généralement mis à macérer avec le sucre, avant cuisson –
Il est préférable de réaliser les cuissons en 2 fois – On porte les fruits à ébullition après macération (qui permet de faire sortir l’eau du fruit) puis on laisse macérer jusqu’au lendemain.
Cette façon de faire permet de transformer la pectine des fruits et d’avoir des confitures qui se tiennent beaucoup mieux -
LE SUCRE
C'est le sucre qui permet à la confiture de se conserver : il attire par osmose l'eau vers l'extérieur des germes, ce qui les dessèche. Si la quantité de sucre n'est pas suffisante pour assurer cette conservation à température ambiante, on obtient une compote, de conservation réduite.
On utilise généralement du sucre blanc cristallisé - -
Le sucre est extrait de la racine de betterave sucrière ou des tiges de la canne à sucre – Ces jus impurs sont aqueux et décantés par ajout de lait de chaux et de gaz carbonique – Après filtration et évaporation le sirop obtenu est cuit sous vide, turbiné et essoré – Le sucre qui sort de cette cristallisation est blanc mais contient encore une certaine part d’impuretés – C’est ce sucre cristal qu’on utilise pour les confitures – Pour réaliser du sucre morceaux, le sucre subit une seconde cristallisation qui le rend pur à 99.99%, conformément aux normes de la CEE -
Quant aux impuretés des fruits, elles varient en fonction des fruits (peaux, grains, pépins, poils …) et sont liées à leur nature, à leur composition et leur mode de culture, les fruits non bio présentant généralement plus d’impuretés.
Les impuretés risquent d'altérer la conservation, c'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'écumer régulièrement pendant la cuisson, notamment au début -
On compte généralement un poids équivalent de sucre et de fruits mais certains manuels professionnels de confiserie préconisent 1.5 kilo de sucre par kilo de fruits. La conservation n’en est que meilleure. La loi ne permet pas d’appeler confiture un produit ne contenant pas au moins 55% de matières sèches ( sucre+fruits) après cuisson. C’est une erreur de ne pas mettre suffisamment de sucre.
Le sucre cristallisé, traditionnellement utilisé car c'est le moins cher et le plus courant, est réservé aux fruits qui ont suffisamment de pectine et d'acidité.
Le sucre en poudre, plus fin que le sucre cristallisé, se dissout plus rapidement à la cuisson.
Le sucre en morceaux est facile à doser (1 morceau numéro 3 = 7g, 1 morceau numéro 4 = 5g).
Le sucre non raffiné est à proscrire à cause des impuretés qu’il contient et qui nuisent à la conservation.
Le "sucre pour confitures" est du sucre cristallisé additionné de pectine et d'acide citrique (Confisuc pour les confitures et Gelsuc pour les gelées).
La pectine :
La pectine a pour rôle de faciliter la prise des confitures des fruits qui n’en contiennent pas suffisamment –cerises, framboises, poires, etc.)
On peut ajouter un peu de pectine de pomme (Vitpris) ou d’agar-agar pour favoriser la prise, qui sont tous les deux des ingrédients d’origine végétale – En aucun cas on ne doit utiliser de la gélatine, d’origine animale.
L’acide :
L’acide citrique est le catalyseur de la pectine. Il favorise la gélification des pectines et, en modifiant et baissant le PH, il assure une meilleure conservation. Il est idéal pour faire des confitures avec des fruits pauvres en pectine ou peu acides. Il invertit la molécule de saccharose et transforme le sucre en sirop.
MISE EN ŒUVRE
La cuisson :
La cuisson est un élément primordial dans la réussite d’une confiture et une attention toute particulière doit y être apportée.
Le temps de cuisson ne doit pas être ni trop long ni trop court.
Un temps de cuisson trop long entraine un risque de cristallisation de la confiture.
Un temps de cuisson trop court entraine un taux d’eau résiduel trop élevé avec des risques accrus de développement bactérien, des fermentations, des moisissures. L’eau, c’est la vie !
Le temps de cuisson varie avec la teneur en eau des fruits, la source de chaleur et le degré de maturité des fruits. On reconnaît que la cuisson est suffisante lorsqu’en relevant verticalement la cuillère ou l’écumoire plongée dans la confiture, les gouttes se rassemblent et glissent lentement en formant ce que l’on appelle « la nappe » ou lorsqu’en versant une goutte de confiture sur une assiette froide, celle-ci ne s’étale pas mais reste bombée et se fige rapidement.
Mais ce n’est pas aussi simple.
Contrairement à une idée trop répandue, l’eau ne bout pas partout à 100 degrés – Le degré d’ébullition de l’eau dépend directement de la pression atmosphérique et varie en fonction de l’altitude et du temps qu’il fait.
Moins la pression est forte, plus la température d’ébullition est faible.
Cette réalité physique a pour conséquence directe qu’il n’est pas possible d’obtenir de bons résultats en cuisant la confiture soit à une température fixe (car la concentration finale, à 107 degrés par exemple, sera différente selon que l’on aura commencé à bouillir à 85 ou à 100 degrés), ni pendant un temps donné.
Ainsi, il n’est pas possible de réaliser une recette sans la « régler » par rapport à l’endroit où elle doit être réalisée, sinon on va au devant de difficultés de réalisation, sous cuisson ou sur cuisson avec risque de recristallisation. On peut expliquer beaucoup de recettes ratées par méconnaissance de ce phénomène.
Pour éviter ces aléas atmosphériques, les confituriers industriels, qui doivent obtenir des résultats strictement identiques et constants, cuisent leurs préparations dans des cuiseurs sous vide d’air.
Le phénomène de sur-cristallisation :
Beaucoup de confitures, trop cuites, recristallisent dans le temps. A quoi ce phénomène est-il dû ?
Le principe est simple : Avec une eau à 20 degrés, 1 litre d’eau permet de dissoudre 2 kilos de sucre – La règle est immuable –
Si l’on augmente la température de l’eau, on pourra dissoudre beaucoup plus de sucre – A 80 degrés, on dissoudra 4 kilos de sucre – mais que se passera t-il quand la température redescendra à 20 degrés ? Très simple : on aura toujours 2 kilos dissouts et les 2 autres kilos auront recristallisé.
C’est en conduisant ce phénomène que l’on réalise les intérieurs liqueurs à coque de sucre en chocolaterie.
Pour la réalisation de la confiture, il faudra donc veiller à ne pas dépasser ce pourcentage fatidique de 66% de matières sèches pour éviter la recristallisation. La loi parle de 55% minimum.
Cependant, même à 70% de matières sèches, la confiture peut ne pas recristalliser si les fruits utilisés sont suffisamment acides ; Nous verrons pourquoi plus loin.
De fait, la seule façon de faire consiste à vérifier le taux de matières sèches à l’aide d’un réfractomètre. C’est la seule façon d’obtenir des résultats parfaits et constants dans le temps, raison pour laquelle la loi parle de taux de matières sèches et non de temps ou de degré de cuisson.
La méthode de « la goutte », si elle est souvent pratiquée, n’est pas suffisante en soi.
La confiture a recristallisé, que faire ? :
Quand une confiture a recristallisé, la seule façon de s’en sortir est simple. Il faut recuire quelques minutes la confiture en lui ajoutant un peu de jus de citron ou d’acide citrique.
Pourquoi ?
Lorsqu’on cuit du sucre avec un acide, on transforme la molécule de saccharose (le sucre commun) en un sirop incristallisable (on dit « invertir » ) – Il y a toujours autant de sucre mais il n’a plus la même forme, de solide il devient liquide.
C’est pourquoi, en recuisant la confiture avec un acide, on va transformer le sucre en sirop et la confiture ne sera plus cristallisée, bien qu’autant sucrée.
Bien des ménagères recuisent leur confiture cristallisée avec un jus de citron, sans savoir pourquoi elles le font.
La Mise en pots :
La confiture est versée, encore bouillante, dans des pots à fermer avec un couvercle.
Remplir les pots à l’aide de la louche. Nettoyer si besoin le bord des pots, les fermer, les retourner et les laisser reposer cinq à dix minutes, de manière à créer un espace vide stérile sous le couvercle.
Autrefois, il était courant, d'obturer les pots à l'aide d'un papier cellophane posé sur le pot et ceint d'un élastique - Le procédé est intéressant à utiliser lorsque la confiture est un peu trop liquide car, non étanche, la cellophane permet, avec le temps, à la confiture de se concentrer par évaporation de l'eau qu'elle contient -
A l’abri de la lumière, au sec, les pots se conservent 1 an. Pensez à les étiqueter pour reconnaître facilement les différentes confitures préparées quelques mois à l’avance. Une fois ouvertes, les confitures doivent être, idéalement, gardées au froid et mangées rapidement.
Vous trouverez plusieurs recettes de confitures sur ce blog et notamment :
http://www.dauphingourmet.com/2019/10/confiture-de-lentilles-vertes-aux-poires-rhum-et-vanille.html
Ma recette, qui a remporté le 1er prix du concours du salon culinaire d'octobre 2019, en Vendée
J'étais absent lors de la remise du prix et "monté à Paris", pour cause de visite pré-opératoire à mon cancer)
http://www.dauphingourmet.com/2018/11/confiture-de-farine-de-chataigne.html
La crème de marrons sans avoir à les éplucher !
http://www.dauphingourmet.com/2018/06/la-confiture-de-fraise-et-rhubarbe.html
http://www.dauphingourmet.com/article-ma-confiture-de-mirabelles-a-la-royale-120237301.html
Published by Bernard DAUPHIN, … - CONFISERIE