La toile regorge de recettes de pâtes de fruits déposées par des bloggers (ménagères, des cuisinières voire même des pâtissiers) qui, visiblement, ne connaissent pas grand chose à la confiserie !
D'ailleurs, il est fréquent de lire dans les commentaires des recettes qui ont été déposées, des interrogations de lecteurs sur les raisons d'un ratage de la recette :
- La pulpe n’a pas pris,
- la pâte de fruit « remouille »,
- la pâte de fruit se dessèche,
- la pâte de fruit moisit ou fermente .....
autant de phénomènes qui montrent que la recette n'est pas maîtrisée ni réglée et la technologie méconnue !
Les réponses apportées par les déposants des recettes sont souvent inadaptées
C'est une évidence, la confiserie ce n'est pas de la cuisine !
Dans le domaine de la confiserie, la problématique n'est pas de fabriquer pour consommer rapidement, mais de fabriquer aujourd'hui pour consommer plus tard, voire beaucoup plus tard, souvent plusieurs mois - Là, chaque ingrédient joue un rôle, a une raison d'être et on ne peut pas impunément modifier, au gré de ses humeurs, une recette, sans jouer les apprentis sorciers et, comme Mickey dans Fantasia, mettre en mouvement des phénomènes difficiles, voire impossibles, à contrôler -
Quand on a l'obligation de réaliser des produits stables, de qualité, de goût, d'aspects constants, bien des questions doivent trouver des réponses dans la compréhension de phénomènes physico-chimiques et leur solution technologique. Ainsi :
- Comment obtenir des résultats identiques quant on sait l'eau ne bout pas tous les jours ni partout à la même température ?,
- Comment éviter la recristallisation du sucre cuit à une concentration supérieure à son point de saturation ?
- Comment mesurer et corriger le ph des pulpes de fruits quand la pectine ne prend correctement que dans une plage de ph précise ?
- Comment garder une pâte moelleuse même si elle se dessèche ?
- Comment conserver dans de bonnes conditions d'hygrométrie relative et de température une pâte qui sera dégustée dans plusieurs mois ?
Prenons simplement l'aspect de la cuisson :
Contrairement à une idée trop répandue, reprise notamment par la quasi totalité des recettes du net, il n'est pas possible de cuire la pulpe à une température précise et obtenir des résultats constants car l'ébullition débute chaque jour à une température différente et l’eau ne bout pas partout ni tous les jours à 100 degrés –
Quand on chauffe de l'eau, on la transforme en gaz dont les bulles remontent vers la surface. Mais ce phénomène d'ébullition est ralenti par une contre pression exercée sur l'eau de la casserole : le poids de la colonne d'air au-dessus de la casserole, appelée "pression atmosphérique" -
Cette pression (estimée à 10 tonnes/m2) varie en fonction de l’altitude et du temps qu’il fait.
Moins la pression est forte, plus la température d’ébullition est faible. En altitude l’eau bout plus vite et à température sensiblement plus basse qu’au bord de la mer - A Chamonix, par exemple, il y a 3 000 m d'air en moins, qui pèsent sur l'eau de la casserole, qu' à Brest.
Cette réalité physique a pour conséquence directe qu’il n’est pas possible d’obtenir des résultats identiques et constants en cuisant une pulpe soit à une température fixe (car la concentration, à 107 degrés C par exemple, sera différente selon que l’on aura commencé à bouillir à 85 ou à 100 degrés), ni pendant un temps donné (cuire 25 minutes en commençant à 85° ne donnera pas la même concentration qu'une cuisson de 25 minutes commencée à 100°).
Ainsi, il est toujours nécessaire de « régler» et adapter une recette par rapport à l’endroit où elle doit être réalisée, sinon on va au-devant de difficultés de réalisation, sous cuisson ou sur cuisson avec risque de recristallisation. Les confiseurs le savent bien et l’on peut expliquer beaucoup de recettes ratées par les "ménagères" par méconnaissance de ce phénomène. Cela vaut également pur la cuisson du sucre et des confitures.
PRINCIPAUX DEFAUTS DES PÂTES DE FRUITS
La pulpe n’a pas pris -
CAUSES POSSIBLES
- Le PH est trop bas, la pulpe est trop acide et la pectine ne prend pas en gel
- Le PH est trop haut, la pulpe n’est pas suffisamment acide et la pectine ne prend pas en gel
- Le degré de cuisson est insuffisant, la pulpe n’est pas suffisamment concentrée et la teneur en eau de la pâte est trop élevée
- La pâte manque de pectine
- Insuffisance d’ajout d’acide en fin de cuisson, la pectine est insuffisamment catalysée
La pâte de fruit « remouille » dans le temps
CAUSES POSSIBLES
- La cuisson a été trop lente (% des sucres qui développent l’hygroscopicité du produit final, trop élevé)
- La pulpe était trop acide, création d’inverti pendant la cuisson
- L’acide a été ajouté trop tôt ou en cours de cuisson
- Le % de sucres hygroscopiques était trop élevé au départ
- Les conditions de stockage sont incorrectes ou inadaptées
La pâte de fruit se dessèche dans le temps
CAUSES POSSIBLES
- La teneur en sucres réducteurs ou hygroscopiques, était insuffisante
- Cuisson trop haute, la concentration en MS est trop élevée
- Les conditions de stockage sont incorrectes ou inadaptées
La pâte de fruit moisit ou fermente
CAUSES POSSIBLES
- Manque d’hygiène au niveau de la manipulation ou des conditions d’entreposage des pâtes
Mon livre propose 80 recettes gourmandes, réalisables par tous, professionnels ou amateurs, des secrets de fabrication et des tours de mains pour réussir les pâtes de fruits secs ou les pâtes de fruits frais (à l'alcool, au lait concentré, poudrées, candies, fourrées, décorées, enrobées) et bien plus encore, dans la plus pure tradition de la haute confiserie française.
Pour des raisons de maîtrise des coûts d'auto édition, proportionnellement très élevés pour un tel ouvrage, le livre n'est désormais disponible que sous forme PDF pour la somme de 15.00 euros
Bonnes dégustations à tous !
Published by Bernard DAUPHIN, … - CONFISERIE
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